Il est parfois difficile d’échapper à l’obsession et au prestige du visage que nous connaissons au pays qui nous a vu naître. Je n’ai pas manqué d’en faire l’expérience lorsque j’ai choisi l'objet et arrêté les limites de cette étude, consacrée aux premières effervescences révolutionnaires dans le secteur liégeois de la banlieue carlorégienne. Il est vrai que, parmi les éléments plus ou moins hétérogènes qui ont concouru à former ce que l’on appelle aujourd’hui le “ Pays de Charleroi „ le territoire soumis autrefois à la souveraineté de l’évêque prince, offrait une physionomie bien particulière. Non moins vrai cependant qu’au sein de l'état épiscopal - avec lequel il ne communiquait que par un étroit passage encombré par une enclave - il ne possédait, d’individualité et d’autonomie d’aucune espèce, politique, religieuse ou économique. On pourra donc à tout prendre m’accuser d’avoir fait un découpage arbitraire, et commandé par des habitudes de pensée et de langage qui ne sont pas celles du moment. J’en conviens tout le premier.

Le croquis ci-joint, dessiné d’après la carte de Ferraris, me dispensera d’une longue énumération des communautés ainsi soumises à l’analyse. En masse compacte, elles se pressent sur la rive droite de la Sambre, entre Hantes et Aiseau, en débordant de ci, de là sur la rive opposée. La frontière capricieuse qui les isolait du Hainaut et du Namurois - il ne faut pas s’y tromper -possédait, à l’époque où nous la considérons, tous les attributs essentiels de la frontière moderne, le plus caractéristique en tout cas : la douane. Les Liégeois percevaient le droit du “ soixantième „ sur toutes les marchandises tant à l’entrée qu’à la sortie : une série de bureaux étaient postés à cet effet au bord des voies d’accès ou d’issue. Du point de vue économique, il y a peut être une distinction à établir entre les communautés qui nous occupent selon qu'elles sont situées au nord ou au sud de la bande forestière qui court le long du parallèle d’Aulne. Les communautés du nord [...]