Ceci n'est pas une histoire de Bouvignes. Pas même une suite de monographies archéologiques, comme un distrait pourrait le croire. Il vaut mieux y voir une marche à travers la ville, par les rues, en levant le nez, sans se priver d’escalader les pentes et de plonger sur l’ensemble, ni de passer la Meuse pour prendre le recul qu’elle impose. La marche est un peu lente, elle cause avec les gens sans vouloir être indiscret à leur égard, en acceptant parfois d’entrer chez eux, en pénétrant et en s’attardant assez,là où tout le monde peut avoir accès. On regarde, on essaie de comprendre. Marcher ainsi oblige nécessairement à se poser des questions, à remonter le temps jusque dans l’obscurité du vieux passé pour mettre à jour les sources du présent et s’interroger sur l’avenir... Ce livre est un instrument de travail.

La démarche s’efforce d'être sérieuse. Elle le doit aux habitants, premiers destinataires de ces pages, auxquels celles-ci pourraient être dédiées, les «hulottes» comme on les surnommait, paraît-il, surnom que Henri Blés aurait repris en nichant la chouette dans ses tableaux. Il y a en effet beaucoup de ruines à Bouvignes, traces de la cité médiévale et de ses avatars, passé lourd à porter quand on n’est pas riche et qui peut aujourd’hui devenir facteur de renouveau. On ne conserve bien que si on crée.

Le sérieux s’impose quand on espère retenir l’attention des spécialistes de l’aménagement et des fonctionnaires supérieurs, dont tant de choses dépendent et dont il ne faut pas dire trop de mal. Sans eux, ce livre ne serait pas né. Ils font parfois plus de rêves qu’on ne croit, mais quand ils se réveillent, c’est pour se retrouver souvent dans la boue du quotidien d’un pays pluvieux.

Un grain de sérieux s’impose-t-il si le lecteur est un homme politique? Par quel bout le prendre, lui demander un instant de son temps précieux, à lui qui haut placé peine maintenant du soir au matin à nous replanter chacun sur notre sol pour un nouveau moyen âge ou bataille sur place, baigné journellement au sein des intérêts immédiats les plus contradictoires? On a envie de rire avec lui, de l’amener à bien dormir, à vraiment rêver. Jusque dans nos grandes villes, à Bruxelles, Liège, Mons et Namur, nos mandataires ont bien besoin d’être un peu poètes...