La volonté d’organiser à Bruges en 2002 une grande exposition consacrée aux relations entre les primitifs flamands et les peintres d’Europe méridionale n’a certainement pas simplifié notre vie. Rassembler quelque 130 tableaux du XVe siècle, peints presque tous sur panneau et occupant souvent une position privilégiée au sein de collections permanentes, n’a pas été une sinécure. Si l’exposition a pu voir le jour, c’est grâce au dévouement et à l’appui du comité scientifique et à la générosité peu commune de tous les prêteurs.

Notre intention n’a jamais été, à supposer que cela soit possible, de présenter une reprise de la fameuse exposition « Les Primitifs Flamands » qui eut lieu en 1902 au Provinciaal Hofà Bruges. Toutefois, la présente manifestation ne peut pas être considérée indépendamment de son illustre devancière, qui marqua un des moments publics les plus manifestes de la revalorisation des primitifs flamands, tout en apportant un stimulant important à l’essor de Bruges comme centre de tourisme culturel.

Le concept de l’exposition se rattache à un double courant de recherches. D’une part, nous posons la question - considérée par certains comme surannée -de savoir dans quelle mesure les relations dynastiques dans l’Europe du XVe siècle ont influencé la diffusion internationale de l'ars nova flamand. D’autre part, nous nous proposons de montrer avec quelle rapidité et de quelle manière les peintres des anciens Pays-Bas ont marqué de leur empreinte l’art de leurs collègues français, espagnols, portugais et bien entendu italiens. Les relations picturales avec ITtalie ont constitué le thème de l’exposition « Il Rinascimento a Venezia e la pittura del Nord » (Venise 1999), tandis que l'interaction Flandre-Espagne a été abordée dans l'excellente exposition « El Renacimiento Mediterráneo » (Madrid et Valence 2001). Dans la ligne de cette dernière exposition, mais en insistant davantage sur l’art flamand et en proposant une extension géographique plus large (plus ambitieuse ?), nous tentons de montrer que l’apparition de Jan van Eyck a signifié une révolution picturale silencieuse mais effective, laquelle a laissé des traces manifestes dans le sud de l’Europe. Tel est notre objectif : rendre intelligible cette “révolution eyc-kienne” et offrir une image des interactions toujours changeantes entre Nord et Sud.

Bien d'autres questions sont évidemment abordées dans l'exposition et le catalogue. Elles concernent le style, la technique, l’iconographie, les pratiques d'atelier, les relations économiques, le mécénat, la réalité historique et culturelle, etc. Le catalogue est destiné en premier lieu au public : sans faire montre du vertigineux déploiement de procédures scientifiques qui prime dans certains catalogues, il pose des questions générales et, du moins nous le croyons, y prête parfois réponse. L’apport scientifique réside essentiellement dans l’exposition même. Nous invitons expressément tous les visiteurs à éprouver sur place la valeur des relations, confrontations, comparaisons et interactions que nous avons en vue. Diverses possibilités sont prévues à cette fin : exposés, gallery talks, un colloque, des visites de confrères, recherche technique et scientifique en dehors des heures de visite.

Notre intention explicite est de publier dans un délai d’un ou deux ans un recueil scientifique qui reprendra les résultats de ces vérifications critiques et de recherches ultérieures. Nous sommes convaincus, en tant qu’organisateurs, qu’une exposition telle que celle-ci ne peut pas clôturer les recherches, mais au contraire doit inciter à les poursuivre, de préférence sur le mode innovateur.

Quel spectacle peut caresser davantage l’œil, stimuler plus finement l'esprit que celui d’un incomparable ensemble de chefs-d’œuvre nés au xve siècle en Europe septentrionale et méridionale, rassemblés selon un point de vue soigneusement défini ? Nous espérons que vous n’échapperez pas à sa séduction.