Initialement prévu comme un volume photographique sur les dernières années de service des 2D2, le plan de cet ouvrage a été sensiblement modifié en fonction de l'apport d'une multitude de documents anciens, permettant d'harmoniser une étude technique et historique d'ensemble avec une illustration abondante et variée: il suffit de penser qu'entre 1500 et 2000 clichés nous ont été confiés, tant ce type de locomotives a suscité dès son apparition l'intérêt des photographes. La sélection, on s'en doute, a été difficile, mais nous nous sommes efforcés de présenter un panorama représentatif des diverses séries de 2D2 dans le cadre de leur service normal ou inhabituel, dans la quasi-totalité des régions qu'elles ont fréquenté.

En préalable à cet ouvrage, il nous a paru utile de situer les 2D2 dans l'histoire de la traction électrique ferroviaire: elles constituent en effet le témoignage d'une étape très importante, qui a vu pour la première fois les possibilités^ de traction des trains rapides par les meilleures machines à vapeur de l'époque être égalées et même largement améliorées par les locomotives électriques. Les 2D2-5503 à 5537 (E-503 à 537 du réseau d'Orléans) constituèrent l'aboutissement d'expérimentations sur des prototypes, et furent à l'origine de plusieurs séries de locomotives du même type. C'est cette évolution que nous tenterons de décrire, sans oublier de la replacer dans le contexte de l'époque, à savoir les essais —beaucoup moins réussis— des réseaux du P.LM. et du Midi dans le même sens.

Pourquoi avoir porté tant d'intérêt à ces locomotives ? De nombreux amateurs de chemins de fer se sentent, pour diverses raisons, attirés par la traction à vapeur aujourd'hui révolue. Il nous semble que, de la traction électrique, et en particulier des 2D2-5500, peut émaner un charme qui, s'il n'est pas aussi évident que celui de la locomotive à vapeur, n'en est pas moins réel. Comment s'exprime-t-il pour qui sait le ressentir ?

Les 2D2-5503 à 37 s'imposent d'abord par leur apparence extérieure. Leur haute et massive silhouette, sobre sinon austère, donne au premier abord une impression de puissance assez majestueuse. Elle est cependant allégée par les deux capots extrêmes, bien proportionnés par rapport au reste de la caisse. Divers éléments viennent apporter des touches d'originalité à l'ensemble et contribuent ainsi à le rendre plus typique:par exemple les trois fenêtres frontales surmontées d'un auvent bien dessiné, les longerons du châssis progressivement amincis au-dessus des bogies porteurs, les petites fenêtres latérales, les carters propres à la transmission Buchli (1) et les tuyauteries du circuit de graissage flanquant les roues motrices, les roues porteuses à rayons, les zones de rivets sur la caisse et le châssis, etc. La sobriété d'aspect de la locomotive est accentuée par sa couleur verte (2), variant du vert-sombre au gris-vert suivant les conditions météorologiques et... l'entretien, heureusement soulignée de rouge par les deux traverses extrêmes. Ces machines ne sont vraiment elles-mêmes qu'avec leurs deux grands pantographes levés, pantographes bien caractéristiques avec leurs deux plaques triangulaires situées dans les angles supérieurs.

Si, à l'arrêt, ces locomotives sont déjà impressionnantes, elles le deviennent encore bien plus en mouvement: leur hauteur importante devient plus sensible par rapport à la rame qu'elles remorquent, et l'impression de puissance qu'elles dégagent ne fait que s'amplifier.
La tonalité de leur avertisseur, bien différente de celle des locomotives modernes, semble proche de celle des locomotives à vapeur, et peut être joyeuse ou lugubre suivant la topographie ou les conditions atmosphériques. La vision d'une 5500 en tête d'un rapide grondant en pleine vitesse peut causer le plaisir et l'émotion d'un bref mais intense spectacle. Plaisir et émotion que l'on retrouve, mais plus durables, lors d'un voyage à bord d'une de ces machines: le cachet vieillot de la cabine de conduite, les gestes du mécanicien, le défilement des images, les bruits, les trépidations, la légère odeur d'huile toujours présente, composent un tableau multiple et mouvant que l'on n'oubliera pas.

Telles qu'on peut brièvement les présenter sur un plan esthétique, les 2D2-5500 sont un bon reflet des tendances des années 20 et en constituent une sorte de monument d'architecture métallique mobile. Il est donc heureux qu'une de leurs représentantes (ainsi qu'un des prototypes) soit conservée pour le Musée des Chemins de fer de Mulhouse, et elles valaient bien qu'on leur consacrât, ainsi qu'à leurs descendantes, un peu d'attention à travers les pages qui suivent.