Écrire est une maladie. C’est un vice, une obsession, une passion. On ne peut impunément s’adonner à l’écriture qu’en écartant toutes les autres amours, hormis la tendresse, ou bien alors après qu’elles se sont éteintes.

Maintenant seulement je sais pourquoi je n’ai pas rassemblé plus tôt les écrits du cours de ma vie: c’est parce qu’il m’eût fallu m’isoler de ceux que j’aime et vivre seule. Colette et Willy se sont entre-déchiquetés, séparés par leurs passions de la vie et des écritures qui sont exigeantes, dévorantes... Ces dernières ne laissent place pour aucune autre tâche, qu’elle soit familiale, sociale, intellectuelle, amoureuse, artisanale, ménagère... Elles sont exclusives et jalouses de leur auteur, qu’elles accaparent et dévorent. Celui-ci doit se séparer de tout et de tous ceux qui risquent de pouvoir l’éloigner d’elles. On ne peut non plus écrire à deux quand le cœur et l’esprit sont dans les pages. Il y a trop de déchirements lorsqu’un désaccord s’élève à leur propos.

Écrire honnêtement, sincèrement, objectivement et avec les sentiments profonds qui vous animent est une œuvre qui ne peut se faire que dans la sérénité, comme il en est de la religion. Il s’est dit, de celle-ci, qu’elle se perd à la puberté pour se retrouver à la méno-andro-pause... Pour moi, il en a été de même de l’écriture.

Le prince Charles avait su, en son temps, ce que ma meilleure et la plus efficace de mes enseignantes - sœur Marie-Joseph-Marie - m’avait recommandé déjà bien avant que je ne sois pubère:

- Vous devrez conserver vos dessins et toutes vos compositions d’écriture parce que je sais, j’en suis sûre, certaine même, Louise-Ghyslaine (mon prénom de baptême), que cela vous servira un jour.