Par une radieuse matinée de mai 1071, les moines de l'abbaye de Stavelot suivaient en cortège la châsse où ils transportaient le corps de leur saint abbé fondateur. Grâce à cette relique insigne, ils avaient obtenu justice de l'empereur Henri IV. Quittant la ville de Liège, ils reprenaient le chemin de l'Ardenne. La Meuse franchie, non loin des premières collines de la rive droite, ils rencontrèrent un prodigieux mouvement de ferveur populaire. La foule demandait une messe et les enfants des écoles chantaient des hymnes du temps pascal.

Après la célébration eucharistique, les propriétaires de l'endroit où s'était improvisée cette fête firent don de leur terre à saint Remacle et les habitants posèrent immédiatement les fondations d'une église. Cet édifice, d'abord modeste annexe de Saint-Amand de Jupille, devint ultérieurement le centre d'une paroisse étendue.

Neuf cents ans d'histoire ont déferlé sur ce site, vaste promontoire cerné par la dernière anse de l'Ourthe. Cette montagne semble avoir longtemps fasciné les esprits. On y relégua d'abord ceux que la maladie éloignait de la cité. Son caractère agreste et sauvage encore y attira ensuite ceux qui recherchaient la solitude pour méditer. Elle constituait de plus un enjeu stratégique et, trop souvent hélas, au cours des siècles, elle a frémi au fracas des batailles. Cette triple destinée s'y perpétue: sur le mont Cornillon, nous rencontrons encore aujourd'hui des moniales contemplatives, des sœurs hospitalières et des soldats.

L'Ourthe contourne la colline. Maintenant, prisonnière de murs, barrée de ponts, assagie par des barrages, elle a perdu son caractère fantasque et ses bouillonnements d'écume, mais jadis dans la plaine fertile elle tressait de ses bras une couronne d'eaux vives et des ateliers en captaient l'énergie. Tout un peuple s'y est multiplié, tirant du sol sa subsistance et son combustible, transformant le métal à la chaleur des fours et sous les coups des marteaux-pilons. La révolution urbaine et industrielle a tout changé: les hameaux sont devenus faubourgs.

Nous avons cherché à faire voir comment tout cela est arrivé. Puisse cette évocation contribuer quelque peu à réhabiliter la périphérie, ces quartiers souvent sans grâce que l'on traverse au plus vite pour gagner le centre de la ville. Que les visiteurs de cette exposition trouvent ici l'envie de prendre leur bâton de pèlerin et d.e marcher à la recherche des richesses oubliées.