Tout un livre sur Léon Degrelle. Mes amis me disent : « c'est lui faire bien de l'honneur ». En fait, il y eut là, chez ce collégien étonnamment doué, visité par un dieu lyrique, un phénomène qu'on peut appeler météore. Un brusque passage de l'adolescence à l'obscurité. Jamais Degrelle ne fut un homme et les quelques années qu'il vécut en Belgique en firent une vedette à cause simplement de sa précocité. Un galopin attardé, devenu derviche, raspoutine de grande banlieue.

La précocité d'esprit et d'éloquence de Degrelle, voilà le secret de sa célébrité fugace. En un pays où les institutions cristallisées, où les hiérarchies bien établies ne permettaient guère aux adolescents de franchir les limites des convenances, Léon Degrelle, vedette éclatante, fut un être inconvenant jusqu'en 1940. En 1914 il avait 8 ans. Calculez. En 1945 il en avait 39 et alors il disparut sans laisser de traces vivantes, sans élèves, sans discipline.. Oui, répétons-le, un météore. A vingt-cinq ans il écrivait jour et nuit, à s'user les doigts. En 1968, c'est un avorton du Parnasse.

Il est né à Bouillon et Bouillon, pour les Flamands de mon espèce, c'est un autre monde, quelque chose comme la Forêt-Noire, l'Engadine ou la Transylvanie. Quand on me parlait de Bouillon en 1914 mon cœur frémissait. Bouillon, petit coin perdu dans la forêt, c'était le bout du monde et l'antipode de la Flandre. La Belgique est un pays si divers ! Joseph Remisch a écrit : « Toute la Belgique est venue rêver et chanter dans cette vallée... » II s'agit de la vallée de la Semois avec une petite ville moyenâgeuse en plein forêt. Cécile de Vaulx a chanté la rivière... : « Gorges sombres d'eaux noires, clapotis de petites vagues cristallines sur un fond^de gravier bleu, [...]