L'ouvrage de M. Maurice Maillet est un recueil de souvenirs d'enfance, de jeunesse et de maturité marqués d'une passion très vive pour le chemin de fer, et pour tout ce qui gravite autour de la locomotive. Il est aussi l'expression d'un amour, non moins vif, pour les paysages de France. C'est dire combien sa lecture sera attachante pour tous ceux qui connaissent la vie si particulière du cheminot, mêlée à la vie générale comme à l'existence la plus locale.

Ces souvenirs font revivre naturelleinent l'époque où la locomotive à vapeur et ses fumées tenaient une grande place dans le paysage, au point de séduire, comme on le sait, les peintres impressionnistes, tel Claude Monet.

Sans faire de nos machines le centre de la vie ferroviaire qui comporte tant d'aspects, je me permettrai de rappeler combien la locomotive a, par sa propre technique, exercé, de tout temps, un attrait puissant sur le public et les amis du chemin de fer.

Combien en avons-nous vu, dans le bureau d'études que nous avons dirigé à la Compagnie P.L.M. dans les années 1930, de ces amoureux de la machine qui venaient la voir naître sur nos dessins ! Ils allaient ensuite assister aux premiers essais sur voie, puis à l'entrée en service de chaque nouveau modèle. Combien de types divers se sont ainsi succédé depuis le milieu du siècle dernier !

J'espère que le lecteur ne sera pas dérouté par tant d'appellations de locomotives si familières à leur époque. En ce qui concerne la période des années 1930 que nous évoquons, elle a été pour tous les bureaux d'études, des réseaux français et des constructeurs, la grande époque de la Pacific. C'est surtout sur ce type, qu'on peut dire parfait, que s'est accomplie l'évolution de la locomotive à vapeur française.

C'est sur la ligne de Paris à Dijon, plus souvent entre Laroche et Les Laumes, que les perfomances et les progrès de la machine à vapeur étaient mesurés. Je voudrais dire ici combien le cadre de ces essais était beau. La vallée de l'Armançon, après celle de l'Yonne, les montagnes près de Blaisy et la descente sur Dijon ont accompagné bien des observations de métier. Ces images sont liées pour nous au feu éblouissant visible à chaque ouverture du foyer, spectacle inconcevable pour qui n'a pas été sur la plateforme d'une locomotive, lorsque le chauffeur, physiquement lié à la machine, enfournait, pelle après pelle, ses deux tonnes de charbon à l'heure. Elles restent liées aussi au regard si tranquille du mécanicien, fixé sur les signeaux, le niveau d'eau... ce « niveau d'eau » qui commandait tant de gestes courants, tant de décisions.

A côté des heures de travail, la vie du chemin de fer comporte beaucoup d'aspects extérieurs qu'il est réjouissant de voir évoquer si fidèlement dans ces récits, où les grandes artères sont à l'honneur mais où les « petites lignes » tiennent aussi leur place, en raison de l'époque. Ces petites lignes représentent un domaine qui diminue d'importance mais leur souvenir, très pittoresque, mérite d'être conservé. Les dessins de Delarue-Nouvellière complètent de la manière la plus amusante le texte de l'ouvrage. Ils évoquent la machine et le public. Ils ne seront jamais démodés, malgré le changement des techniques et des mœurs, car ils sont de véritables œuvres d'art qui font penser à des dessins de Daumier.

Je souhaite que cet ouvrage ait beaucoup de lecteurs. Ils y trouveront entre autres, matière à ressusciter leurs propres souvenirs.