Un artiste, un grand créateur, ne se résume pas en une formule ; son aire, que l'on croit pouvoir délimiter, garde des voies internes, le secret de ses vallonnements, souvent même des marches lointaines et les provinces de l'imaginaire. Résumer en art est toujours amputer. Shakespeare ou Racine, hommes de théâtre ? c'est omettre les Sonnets et le Cantique Spirituel ; Ingres, néo-classique ? c'est effacer le rêve d'Ossian ; Debussy, impressionniste ? c'est ignorer la leçon des Etudes. Le temps se fait réducteur, lui aussi, et notre monde contemporain, si encombré de souvenirs, de ruines et de tessons, se veut lapidaire et croit aux slogans.
Victor Horta, l'un des plus grands bâtisseurs de son époque, s'il connut, malgré les écueils, la gloire de son vivant, la perd dans l'oubli du purgatoire. En 1964, on détruit encore un de ses chefs-d'œuvre. Dans le quartier du Sablon, à Bruxelles, sa Maison du Peuple dialoguait, en parfaite connivence, avec l'architecture médiévale d'une maison de Dieu, Notre-Dame de la Chapelle, et, qui sait ? avec l'ombre du grand Bruegel qui y est enseveli. Cette merveilleuse construction où le fer, le verre, la pierre et la brique s'alliaient dans la courbe expressive, à la fois puissante et raffinée, se vit abolie pour faire place à un méchant building de plus de vingt étages, à l'américaine soi-disant, mais avec quelques décennies de retard ! Faut-il rappeler que le Guarantee Building de Sullivan, à Buffalo, bel exemple de gratte-ciel parmi les premiers, date des années 1895 et qu'il est, dès lors, contemporain de la Maison du Peuple ? Que l'art est fragile par inconstance humaine, vanité des modes ; que l'humeur de l'œil est donc capricieuse...
Le Horta revisité est avant tout, aujourd'hui, celui de l'Art Nouveau, celui livré à la pioche des démolisseurs il n'y a pas vingt-cinq ans. Des témoins importants demeurent, grâce à la volonté et à l'amour de [...]