Raymond Bonnet est un témoin. Il raconte ce qu’il a vu et vécu. Il le fait avec talent. Il décrit le calvaire de sa ville en mai 1940. Tournai a durement souffert. Les archives dressent le bilan des pertes. Elles alignent des chiffres. Elles offrent une vision de comptable. Leur image est désincarnée. Pour rendre à la relation de l’épreuve sa dimension humaine, il fallait la plume inspirée d’un spectateur. Raymond Bonnet a été pris dans la tourmente. Il en a éprouvé l’horreur. Il le dit. Son témoignage est le bienvenu. Il constitue un apport à l’histoire. Sans doute n’est-ce pas ce qu’il est convenu d’appeler de la « grande » histoire. Sa narration retrace le drame d’une population. Elle ne met pas en scène des puissants de ce monde. Les décideurs sont absents de son récit. Mais le sort du commun des mortels fait partie aussi de l’histoire. Le dépeindre est une manière de rappeler que les décideurs sont rarement les payeurs. Le particulier rejoint ainsi le général. Le cas illustre qu’il n’y a rien de négligeable pour retracer le passé. L’événement rapporté par un témoin est un document précieux. L’historien en a besoin pour cerner le vécu immédiat. Le recul du temps lui joue parfois des tours. La décantation, trop poussée, déshumanise l’histoire. Or, l’homme est au centre de l’histoire. Il en est et l’acteur et l’objet. Elle est humaine ou n’est pas. Il arrive aux esprits qui se croient supérieurs de la considérer de trop haut. Merci donc à Raymond Bonnet de redescendre sur terre. Rien de tel que le terrain de la réalité pour découvrir la vérité.