A partir des années 1897-1900, quelques artistes flamands vinrent vivre et travailler à Laethem-Saint-Martin, un village alors intact, situé dans une boucle de la Lys, à une dizaine de kilomètres de Gand. Ils arrivèrent l'un après l'autre, l'un attiré par l’autre. Vers 1900, leurs contacts et leur travail avaient mûri et donné ainsi naissance à une colonie d'artistes ou. si l’on veut, à une école. Elle ne se maintint pas plus de cinq ans, mais eut une signification importante non seulement pour les intéressés, mais également pour l'ensemble de l’art flamand du début du XXe siècle. Laethem-Saint-Martin est devenu depuis un village typique dans lequel se sont établies des générations d'artistes et aussi, plus récemment, des marchands de tableaux. Située au milieu d'un des plus beaux territoires naturels des environs de Gand, la région a attiré aussi les citadins nantis qui s’y sont installés ou s’y rendent de temps à autre.

Seule la première colonie d'artistes de Laethem-Saint-Martin est concernée par la présente exposition. La littérature a suscité plusieurs écoles successives et a voulu voir une «constante» laethemoise dans l’art qui y fut pratiqué de 1870 à nos jours (1). Nous ne voulons pas nier la qualité de cette production, mais nous croyons qu'il est intéressant d'isoler le groupe des origines. On constatera que plus on restreint les limites de ce premier groupe, plus le phénomène apparaît comme puissant et passionnant, et plus on ressent l’atmosphère qui, vers 1900, fit de ce village d'artistes un lieu unique.

Le peintre Valerius de Saedeleer vint s’établir à Laethem-Saint-Martin en 1898. Il avait vécu en divers lieux, entre autres dans différents villages des bords de la Lys près de Gand en 1892-1893 et. de 1895 à 1898, à Lissewege. De Saedeleer était un paysagiste de l'école de Courtens. Vivant comme un bohémien, il n’était satisfait ni de son travail ni de sa vie. Après Saint-Denis-Westrem. Afsnee, Gand et Lissewege, Laethem-Saint-Martin aurait pu être pour lui une halte de plus, mais il y resta et il y trouvera la paix en tant qu’homme et en tant qu’artiste.

Il y retrouva sa foi et y « découvrit à nouveau la valeur de la famille et du foyer» (2).

Valerius de Saedeleer avait vécu à Gand de 1893 à 1895 et s’y était lié d’amitié avec George Minne, un sculpteur obstiné qui à l'époque était en train de se faire une réputation à Bruxelles. Les deux jeunes artistes appartenaient à une bande d’artistes qui évoluait dans le quartier de l’académie et se sentait concernée par les troubles sociaux des milieux fortement industrialisés de Gand. Minne partit pour Bruxelles en 1895 pour quatre ans. Il s’établit d’abord en ville mais alla finalement habiter dans une petite villa à Forest. Lorsqu’il revint à Gand en 1899, il fut attiré à Laethem-Saint-Martin par De Saedeleer. Il s’installa avec sa femme et cinq enfants dans deux petites maisons contiguës, l'une lui servant d'habitation et l'autre d'atelier.

L'année suivante il déménagea pour aller occuper une maison à côté de laquelle il se fit construire un atelier spacieux.

En 1900, les frères Karel et Gustave van de Woestij-ne, qui avaient alors 21 et 18 ans, vinrent habiter une des deux petites maisons. En fin de semaine, ils regagnaient souvent leur foyer à Gand. A Laethem, ils vivaient sobrement et travaillaient généralement de façon régulière. Karel écrivait, Gustave peignait. Madame van de Woestijne qui était veuve depuis 1890, venait de Gand en temps utile pour ravitailler les deux jeunes gens. Chaque fois qu’elle arrivait à Laethem les autres artistes lui faisaient fête et surtout ceux qui, comme le ménage De Saedeleer, menaient une existence misérable.

L’arrivée des frères Van de Woestijne, qui en seront les personnages principaux, signifie le début de ’l’école’ de Laethem. Ce fut Karel surtout qui en fut le facteur d'inspiration et l’élément d'unification, quoique, lui aussi, admirait son aîné George Minne qu'il considérait comme le personnage central de leur compagnie. Dorénavant, avec l’arrivée des [...]