Froidchapelle a conservé plusieurs traits d’une communauté vivant en vase clos jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant, ses habitants estimaient se diviser entre agriculteurs et ouvriers, entre ceux qui possédaient de la terre et ceux qui n ’en avaient pas. Comme le village était tout leur monde, ils ne savaient pas combien ils partageaient les mêmes mœurs et donnaient une importance démesurée à leurs différences. Presque tous les ouvriers pratiquaient ou avaient pratiqué une agriculture de subsistance, mais ils reprochaient aux agriculteurs propriétaires, ceux qu ’ils appelaient les « gros », de s'imaginer d’une classe supérieure. De leur côté, ceux-ci insistaient sur leur rang parce qu ’ils voulaient que leurs enfants le maintiennent en épousant des héritiers ou des héritières. Ils exploitaient leurs propres terres et tenaient à ce que leurs fis et leurs filles puissent en faire autant, ce qui dépendait largement de leur mariage. Il demeure qu ’ils travaillaient de leurs mains et que leur style de vie n ’était pas très différent de celui des ouvriers.

Ce livre brosse un tableau de l’économie, des relations sociales et des mœurs d’un village du sud de la Belgique, en utilisant surtout les souvenirs de ses habitants. Il évoque le temps où le village vivait encore non seulement de la terre, mais aussi des bois qui l’entourent. Il parle du passage progressif des activités d’autosubsistance aux activités tournées vers le marché. Cet ouvrage d’ethnohistoire à propos d’un lieu singulier nous parle d’une culture et d’une histoire communes à une grande partie de l’Europe. Il retrace la transformation d’une communauté isolée de bûcherons et paysans, en un village intégré à la société postindustrielle, conscient de la qualité de son environnement, mais inquiet de son avenir économique.

L’auteur évolue aux confins de l’anthropologie sociale, de la philosophie et de la politique. Il a mis en lumière la toute puissance des règles coutumières dans des sociétés sans classes et sans maître, qui passent pour anarchiques et sauvages. En écrivant aujourd’hui sur Froidchapelle, le village de son enfance, il met à profit son expérience des mœurs les plus exotiques pour saisir l’originalité de celles qui nous sont encore familières.