Jusque dans le dessin de son contour qui ressemble étrangement à la forme de la Belgique, la Province de Liège est une terre de défis comme l'était la Principauté de Liège dont elle fut le cœur palpitant. De cette ancienne principauté sur laquelle régnaient la crosse et l'épée aux mains d'un seul pouvoir à la fois civil et religieux, la Province a perdu le territoire du Nord qui s'étend de Tongres à Ruremonde en passant, à l'Ouest, par Beringen. Mais elle est aujourd'hui dotée des cantons de l'Est et de la région de Malmedy. Quant à la Thudinie, le passé commun ne se retrouve plus aujourd'hui que dans une certaine identité wallonne. Mais des arrondissements de Huy-Waremme, Liège et Verviers on peut dire qu'ils constituent aujourd'hui encore, le «Pays de Liège» avec tout ce que cela sous-tend de racines communes et de culture identique.

Lorsque je me sens la «payse» de quelqu'un, à travers ce joli mot quelque peu tombé en désuétude, ce peut être dans le sens un peu restrictif d'un même village ou d'une même commune, mais il ne peut être question de la Belgique ni même de la Wallonie. C'est du «Pays de Liège» qu'il s'agit.

Un Pays de Liège où l'on trouve des vestiges d'occupations humaines vieilles de 450.000 années comme en témoignent les trouvailles des fouilles archéologiques de la Belle-Roche à Spri-mont. Un Pays de Liège qui, avec la même détermination sut, au cours des siècles, défendre âprement ses libertés contre ceux qui, de l'intérieur ou de l'extérieur, les mirent en péril; contre les envahisseurs qui ne manquèrent jamais sur ce qui fut et qui reste la plaque tournante de l'Europe. Un Pays de Liège qui s'alanguit dans les plaines blondes et vertes, gorgées du sang des belliqueux chevaliers hesbignons d'antan et hérissées du clocher pointu des églises des villages qu'annoncent des vieux calvaires aux croisements des chemins de campagne, la Hesbaye, une des plus vieilles régions agricoles d'Europe. Un Pays de Liège qui fleure bon la pomme et le lait frais des vergers et des pâturages du plateau de Herve. Un pays de légendes qui s'abreuve dans le cours sinueux de l'impétueuse Amblève dans un paysage où les éminences sont couronnées de châteaux forteresses. Un pays qui se fait complice du mystère des épaisses forêts arden-naises ou qui se laisse séduire par les coquetteries de l'Ourthe. Un pays qui s'allonge voluptueusement en épousant la forme des doux mamelons condruziens sur lesquels veillent de grosses fermes-châteaux. Un Pays de Liège qui se pare du scintillement de l'eau des lacs, des rivières et de la Meuse, ce fleuve opulent qui a fait sa richesse. Un Pays de Liège riche d'une histoire mouvementée où le courage des hommes venus de Franchimont et celui des bouillants Hutois ne le cède en rien à l'audace des hommes de la grand cité aux flamboyantes ardeurs et à la turbulence souvent dévastatrice.