La mode est volontiers aux biographies de personnages plus ou moins illustres dont la pensée et l’action témoignent en général d’une remarquable unité.

Le travail d’Agnès Van Loocke est à la fois plus ambitieux et plus complexe puisqu’il traite de l’histoire d’une institution dont la vie ne peut être interprétée qu’au travers de la volonté et des actes de ceux qui l’animèrent. Il y avait donc quelques périls à tenter de définir le sens de son évolution, d’autant plus que les acteurs furent, au fil du temps, innombrables.

En la circonstance, le terme “actrices” serait sans doute plus adéquat. Citons-les rapidement. Les élèves tout d’abord, qui transformaient l’austère bâtiment de la rue des Capucins en un lieu de vie d’une exceptionnelle intensité. Les enseignantes aussi, parmi lesquelles de fortes personnalités marquèrent à jamais l’esprit de générations d’institutrices. Les directrices successives enfin qui, en dégageant des objectifs auxquels chacun adhérait spontanément, imprimèrent des orientations claires à l’ensemble de la communauté scolaire. Elles surent se montrer à ce point convaincantes qu’elles parvinrent fréquemment à rallier les avis des mandataires de la Ville de Bruxelles, favorisant ainsi la concrétisation de leurs projets.

L’ouvrage met en évidence la remarquable continuité qui se dégage de l’enchaînement des diverses étapes de l’histoire de l’ENEA, depuis ses origines jusqu’à sa disparition. Les raisons de cette unité doivent vraisemblablement être cherchées dans la permanence des grandes causes que l’Ecole avait décidé de servir et au carrefour desquelles elle s’était clairement située : l’émancipation du peuple et le progrès du statut social de la femme. L’enseignement était l’outil qu’il convenait d’imprégner de ces idéaux; les élèves en étaient les futurs artisans. Les jeunes filles qui arrivaient à “Emile André” ne partageaient pas toutes ces valeurs humanistes, mais celles qui en sortaient portaient la marque de la maison. L’Ecole les transformait en les rendant responsables d’une des plus nobles missions qu’il soit : contribuer au progrès par l’éducation.