La construction de la gare de Liège-Guillemins a été une aventure humaine, artistique, technique hors du commun. Elle aura duré quinze ans, si l'on inclut tout ce qui a nécessairement précédé l'arrivée des premiers engins sur le site. Une tranche de vie passionnante et exigeante pour les acteurs de cette épopée : décideurs, collaborateurs, ingénieurs, dessinateurs, ouvriers... Un bouleversement, une source d'interrogations, de désagréments, d'étonnements, d'incrédulité, d'admiration pour ceux qui, contraints ou volontaires, ont vécu ce chantier de plus ou moins près, avec plus ou moins d'assiduité : voyageurs, riverains, curieux, visiteurs...

De ce chaos organisé s'est dégagé un lieu unique tout en espaces, mouvements, transparences et lumières. Un lieu né du génie d'un homme, Santiago Calatrava.

Ce signe majeur transforme Liège de façon décisive : la voilà inscrite sur la carte du réseau à grande vitesse qui redessine l'Europe ferroviaire et la voilà dépositaire d'un bâtiment emblématique qui lui donne à nouveau une visibilité internationale.

Cette aventure, Alain Janssens en a fixé les traces sur la pellicule. Pendant neuf ans, il a arpenté le site et suivi pas à pas, pour le maître d'œuvre Euro Liège TGV, l’évolution du chantier, la cohabitation quotidienne des trains, des voyageurs et des travailleurs, le surgissement du bâtiment, la place qu'il a progressivement prise dans le paysage urbain. Son regard a capté la complexité et la rigueur du labeur, saisi des atmosphères ; il s'est arrêté sur des compositions insolites ou anodines, nées du hasard.
Nous souhaitions que ces traces, dont le choix a été âprement discuté, trouvent un prolongement dans un livre. Non un livre de fin de chantier de plus, mais bien un ouvrage qui permette d'approcher par l'image cet organisme vivant qu'est la gare. L'image qui le révèle, qui lui vole ses secrets, qui souligne sa générosité, fait affleurer son humanité, l'étroite relation qui se noue entre lui et celles et ceux qui le construisent, qui I'"habitent". L'image qui fixe l'éphémère désormais inscrit dans la mémoire du bâtiment.

Ce recueil, nous avons voulu l'enrichir en accompagnant la déambulation photographique d'un texte littéraire dont nous avons confié l'écriture à Caroline Lamarche.

A l'auteur nous avions posé nos intentions en ces termes : dans quelle mesure, ce lieu, monumental et expressif, qui se joue de l'espace et de la lumière, duquel se dégage une réelle poésie du mouvement, inspire-t-il, un écrivain ? Non pour parler seulement du lieu lui-même ni des images qu'il a fait naître mais du voyage dans la mémoire et dans l'imaginaire dont il devient le point de départ.

C'est précisément cette échappée, où architecture, photographie et écriture sont affranchies l'une de l'autre, qui nous semblait intéressante et que nous vous invitons à découvrir au gré de votre propre itinéraire au cœur d'un lieu qui s'ébauche pour s'accomplir en un lieu à nul autre pareil.