Mes parents et leurs trois enfants ont vécu au domaine d’Argenteuil bien des années heureuses.
Le roi Léopold, conscient du caractère provisoire du « bail » qui le liait à l’Etat, avait, à la fin des années 1970, voulu consolider ce contrat et prolonger le séjour de sa famille à Argenteuil au-delà de son décès et de celui de la princesse Lilian. Il se heurta à un refus du gouvernement. Il put, du moins, obtenir la promesse écrite que ma mère pourrait y demeurer sa vie durant.
La princesse Lilian voulut à son tour garantir la jouissance du domaine à ceux de ses enfants qui le souhaiteraient. Cela semblait possible si le statut du domaine d"Argenteuil était modifié. Il suffisait que l’Etat, par un jeu d’écriture, en fasse un domaine de la Donation royale. Mais cette proposition ne rencontra pas l’accord des autorités fédérales.
Ma mère eut une dernière idée : créer une fondation dont la destination serait de commémorer le souvenir du roi Léopold, non pas le souvenir du chef de l’Etat, mais celui de l’homme libre, passionné de sciences et de voyages. Ce mémorial devait se situer à Argenteuil et comprendre principalement le grand bureau, la pièce contiguë dite « salle des cartes », témoin d’expéditions lointaines, et la salle de projection, riche d’innombrables photos et diapositives répertoriées avec soin. Ma mère avait aussi souhaité que la partie habitable du manoir demeure accessible à des rencontres à caractère culturel ou scientifique.
À son décès, mes sœurs et moi-même avons appris l’existence de la « Fondation Argenteuil », gérée par trois administrateurs appelés à faire respecter la volonté testamentaire de notre mère. Jusqu’à ce jour, cette fondation n'a pas obtenu des autorités fédérales la moindre parcelle d’espoir de faire en sorte que persiste, comme en dernier écho, un moment privilégié du souvenir collectif.
En attendant ce mémorial, ce livre représente, à mes yeux, un devoir de mémoire.
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