«L'Histoire des Transports publics à Paris est merveilleuse, passionnante, surprenante, captivante, désarmante, inextricable, infinie, trompeuse, impossible, à l'image de la ville elle-même. Quand on croit en avoir découvert tous les aspects, on s'aperçoit qu'il en existe mille autres, restés dans l'ombre et quand on croit avoir dit beaucoup, on constate qu'il reste beaucoup à dire. C'est que l'imagination des hommes — et des Parisiens particulièrement — est sans bornes dès qu'il s'agit de concevoir et d'entreprendre... et de courir fortune. Au terme de l'aventure cent fois recommencée, il y a la gloire ou l'échec, la richesse ou la ruine, le triomphe ou la honte. Combien de ces machines élégantes n'ont-elles pas terminé leur fragile existence sous le marteau du démolisseur ou dans les courants d'air d'un terrain vague? Combien de ces hommes entreprenants, sans qui l'aventure sociale serait d'une écœurante banalité, n'ont-ils pas fini leurs jours dans la hantise du suicide ou la solitude de l'anonymat? »

Ainsi commence l'introduction que signe Georges Renoy en tête de ce nouvel ouvrage de la collection «Paris naguère» et consacré aux Transports Publics. Du carrosse au fiacre, de l'omnibus à l'autobus, du chemin de fer américain et transversal au tramway puis au métropolitain, l'album nous promène allègrement dans cet univers onirique fait des modes de locomotion les plus hétéroclites tels qu'une certaine absurdité les autorisait au temps de Louis-Philippe, de Napoléon III ou de Marianne troisième. Au tournant du siècle, ils coexistent tous, livrant le sol parisien à l'incohérence la plus complète: à l'acre fumée de la vapeur locomotive se mêle les premiers relents du pétrole lui-même pimenté des effluves du crottin hippomobile. En même temps qu'apparaissent les premiers autobus voici que surgissent les premières femmes-cochers. Livré au désarroi autant qu'à l'étonnement, l'utilisateur se perd dans les mille et un itinéraires que se partagent transports traditionnels et métro nouveau-né. La raison s'y perd. L'iconographie, seule, sort triomphante de ce capharnaùm et livre aux générations à venir l'infinie variété de ses richesses. De la lithographie à la carte postale, l'évolution est longue, jamais monotone, toujours plus étourdissante. De l'heureux mariage du texte désinvolte et de l'imagerie insolite naît un ouvrage attachant qui fixe un moment essentiel de l'histoire quotidienne de la capitale, celle des transports publics urbains proprement dits, «c'est-à-dire ceux condamnés à remettre sans cesse les roues dans leurs propres empreintes, à l'intérieur des murs gris de la cité».